Chapitre 1
Raffo s’arrêta devant le garage, coupa le moteur et éteignit la chanson qu’elle était en train d’accompagner à tue-tête. Elle prit une grande inspiration et examina la maison qui se dressait devant elle. Connor n’était pas du genre à minimises les choses, plutôt tout l’inverse, pourtant c’était exactement ce qu’il avait fait avec cette propriété. De l’extérieur, elle semblait vaste et luxueuse et ressemblait davantage à une demeure principale qu’à un pied-à-terre pour le week-end.
Raffo sortit de voiture et s’étira. Elle ne s’était pas arrêtée sur la route entre Los Angeles et Big Bear Lake. C’était juste deux heures de trajet et elle voulait filer le plus vite possible. Loin de Los Angeles, de Mia et leur relation libre dont l’échec était si spectaculaire que ça aurait été drôle si ça ne faisait pas aussi mal. Le mercure avait perdu plusieurs degrés à cette altitude, un soulagement après la chaleur étouffante et polluée de Los Angeles en été.
Raffo attrapa son sac à dos dans la voiture. Elle reviendrait prendre ses valises et son matériel de peintre une fois qu’elle aurait exploré l’intérieur de la maison huppée dans laquelle elle allait s’installer un moment. La durée de son séjour n’était pas décidée – aussi longtemps qu’il le faudrait, sans doute : Connor lui avait dit qu’elle pouvait rester autant qu’elle le voulait. La maison appartenait à sa mère qui était partie en voyage en mode « Mange, prie, aime » (la description était celle de Connor) et ne l’utilisait pas cet été.
Raffo marcha jusqu’à l’entrée et inséra la clé dans la serrure. Dès qu’elle eut ouvert, son regard fut attiré vers l’immense baie vitrée qui donnait sur le lac. Oh oui, c’était parfait. Raffo avait peut-être elle aussi besoin d’un voyage spirituel pour retrouver l’inspiration, mais elle n’avait pas besoin d’aller jusqu’en Europe pour ça. Il était bien possible que partir à deux heures de Los Angeles lui suffise.
Quand elle parvint à se détacher de la vue incroyable, elle parcourut du regard la pièce à vivre. Il y avait un verre d’eau à demi rempli sur la table basse et les coussins du canapé avaient été ramenés du même côté comme si quelqu’un s’y était récemment allongé. Et il y avait une tasse de café sale sur le plan de travail.
— Hé oh ? appela Raffo.
Est-ce que Connor lui faisait une blague ? Il était censé être en chemin pour New York pour rendre visite à son petit ami, mais peut-être que c’était juste une ruse. Mais pourquoi Connor aurait-il voulu venir habiter ici avec elle alors que cela faisait un mois que Raffo dormait dans sa chambre d’ami ?
Aucune réponse ne vint. Toutefois, il commençait à lui sauter les yeux que quelqu’un d’autre habitait là. Peut-être était-ce un quiproquo. Peut-être que la mère de Connor avait loué les lieux pour l’été pendant qu’elle était en Europe. Connor avait quand même bien dû lui demander la permission pour inviter Raffo ?
Elle avança davantage dans la maison.
— Il y a quelqu’un ? cria-t-elle, un peu plus fort cette fois.
Elle partit vers l’escalier et tendit l’oreille à l’affût de bruits qui viendraient de l’étage. Il lui sembla entendre quelque chose, mais elle n’aurait su dire quoi au juste. Ou bien peut-être qu’elle s’imaginait des voix maintenant. Elle monta en essayant de faire le plus de bruit possible et continua à s’annoncer jusqu’à ce que ses « bonjour » répétés lui paraissent trop ridicules.
Arrivée sur le palier, elle fit le tour des lieux du regard. La porte de la salle de bain était ouverte. Tout comme celle de la chambre principale. Les yeux de Raffo se posèrent sur une silhouette dans le lit. Elle se figea, le cœur tambourinant. C’était officiel, elle n’était pas seule. Elle se faisait l’effet d’une intruse – elle en était une ! Qu’était-elle censée faire ? Appeler Connor ou aborder la personne qui se trouvait là ? Raffo n’était pas du genre à flipper facilement, et sa curiosité prit le dessus. Elle regarda à l’intérieur de la chambre. Oh, mince. Elle recula en hâte. Non seulement c’était une femme nue dont la poitrine était découverte par les draps, mais en plus c’était la mère de Connor. Qu’est-ce qui se passait bon sang ? Raffo commença à paniquer. Pourquoi la mère de Connor ne répondait-elle pas à ses appels ?
Raffo essaya de se rappeler son nom, mais il lui échappait. Elle ne l’avait rencontrée que quelques fois à la galerie. Dormait-elle vraiment si profondément qu’elle n’avait pas entendu Raffo appeler ?
Elle n’en avait pas envie, mais elle y regarda un peu mieux. Elle fit tout son possible pour ignorer les seins nus de la mère de son ami et se concentra sur ses oreilles à la recherche de boules quiès, mais elles étaient dissimulées par ses cheveux blonds en bataille.
Raffo arrêta de réfléchir et passa en mode action. Elle frappa à la porte entrebâillée en essayant de se souvenir si, peut-être, la mère de Connor était malentendante.
Mais voilà que deux yeux bleu vif lui rendaient soudain son regard. La mère de Connor inspira un grand coup et s’assit en se couvrant. Puis elle retira ses AirPods d’un blanc éclatant.
— Raffo ? dit-elle, l’air absolument perplexe. C’est toi ?
— Mme… heu, Hart.
Raffo ne savait pas où poser ses yeux même si la mère de Connor s’était enveloppée avec le drap autant que possible.
Son interlocutrice secoua la tête.
— Hart, c’est le nom du père de Connor. Je suis Dylan French.
D’une façon ou d’une autre, elle parvint à décocher un sourire enjoué à Raffo. Peut-être qu’elle avait juste fait une sieste ultra-réparatrice. Ou que ce qu’elle écoutait sur ses AirPods était particulièrement absorbant.
— Je suis tellement désolée, Mme French, marmonna Raffo. Vous ne saviez pas que je devais venir ? Connor ne vous a pas prévenue ?
La mère de Connor poussa un gros soupir.
— C’est compliqué, dit-elle. Et je t’en prie, appelle-moi Dylan et tutoie-moi.
— Et si je t’attendais en bas, hein ?
Raffo avait besoin de se reprendre et elle était sûre que Dylan n’aurait rien contre un peu de temps pour retrouver une contenance et enfiler des vêtements.
Dylan hocha la tête.
— Sers-nous donc un verre de ce chablis qu’il y a dans le frigo, tu veux bien ?
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