Chapitre 1
— Pour sa défense, dit Dakota, il m’a quand même demandé si j’avais eu un orgasme.
Jamie pencha la tête, sa frange couvrant la moitié d’un œil, et haussa les épaules. Elle en avait sûrement marre d’entendre Dakota répéter la même histoire indéfiniment.
— C’est tellement dommage. Il était vraiment mignon.
Dakota devrait sans doute s’en vouloir de se faire autant d’espoirs chaque fois qu’elle allait à un rencard, mais ce n’était pas le cas. Elle croyait en l’amour, bordel. Et puis quoi, encore ?
— Tu n’aurais peut-être pas dû aller aussi loin au premier rencard, fit remarquer Mac.
— Je ne suis pas d’accord, rétorqua Dakota, les yeux fixés sur sa voisine. Il y avait une alchimie entre nous, c’était évident. Il était attiré par moi, et vice versa. Malheureusement, il a échoué là où d’autres hommes ont échoué avant lui. C’est peut-être ma faute, vous savez ? C’est peut-être moi le problème.
— Tu n’es pas le problème, assura Jamie.
— Qu’est-ce que tu en sais ?
Jamie et Mac formaient un couple de rêve. Dakota était devenue amie avec elles quand elle avait rénové leur maison, où elles étaient installées en ce moment. Ça lui provoquait une vraie fierté professionnelle de venir ici, parce qu’elle pouvait savourer les fruits de son travail tout en passant du temps avec ses amies – et en écoutant leurs conseils relationnels.
Jamie haussa à nouveau les épaules comme si la question de Dakota ne méritait pas de réponse.
— À ce que j’ai entendu dire, à cause de toutes ces applis, le domaine des rencontres entre hétéros s’est transformé en vrai terrain miné, dit Mac. J’espère que tu ne te sens pas mise sous pression et obligée de coucher avec un homme dès le premier rencard parce que c’est ce qu’ils attendent.
Dakota secoua la tête.
— Crois-moi, je peux supporter toute la pression du monde. J’avais tellement envie de m’envoyer en l’air avec ce type, mais une fois qu’on s’est retrouvés au lit, c’était juste du crac-crac boum, merci au revoir, comme d’habitude.
— Tu aurais dû lui donner un exemplaire de Elle d’abord..., dit Jamie avant de glousser à sa propre blague.
— Je suis sûre que ça se serait très bien passé, répondit Mac en souriant à sa femme.
— Je ne voudrais pas paraître blasée, reprit Jamie, mais tu sais qui n’a jamais ce problème ?
— Oh, bébé, non, lâcha Mac avec un grognement. Ne le dis pas.
— Mais c’est vrai, protesta Jamie, sa voix grimpant dans les aigus.
— C’est bon, les filles. Pas la peine de me faire un dessin. J’ai bien conscience que le nombre d’orgasmes chez les couples du même sexe est bien plus élevé que parmi les couples hétérosexuels. Je l’ai lu dans le New York Times, moi aussi.
Apparemment, c’était devenu un sujet populaire, développé dans de longs articles dans le supplément du week-end de nombreux journaux. Pour le bien que ça faisait à Dakota. Elle ne pouvait qu’être heureuse pour ceux qui l’entouraient. Pour Jamie et Mac. Pour ses voisines, Izzy et Leila. Et pour son ex-mari, Chase, et son partenaire masculin. Dakota était entourée de couples gays sexuellement satisfaits. Elle devrait peut-être traîner un peu plus avec ses amis hétéros. Ou déménager de la maison qu’elle partageait avec Chase et Corey, et quitter la rue où vivaient toutes ces lesbiennes à la vie sexuelle supérieure.
— Tu devrais peut-être essayer, suggéra Jamie d’un ton détaché.
— Essayer quoi ?
Était-elle vraiment en train de suggérer à Dakota – de manière assez désinvolte – de sortir avec une femme ? Comme ça ?
— Avec une femme plutôt qu’un homme.
— Bébé, arrête, lança Mac en donnant un coup de coude dans le biceps de sa femme. Ne sois pas ridicule. Tu pourrais essayer avec un homme, toi ?
— Je n’ai pas besoin d’essayer avec personne d’autre, encore moins un homme.
— Si tu étais dans la situation de Dakota, précisa Mac.
Même si ça ne l’aidait pas, c’était amusant d’écouter le baratin de Jamie et Mac. Dakota était juste venue pour évacuer la pression, parce qu’elle en avait grand besoin, et pas pour ce genre de sottises.
— Je plaisante, dit Jamie avec un clin d’œil à Dakota. Tu le sais, hein ?
— Je devrais peut-être vraiment le faire, se surprit à répondre Dakota. La dernière chose dont j’ai envie, c’est de rouvrir Tinder et de faire défiler une liste interminable d’hommes médiocres, en me préparant à une autre déception. Soit je tente avec une femme, soit je fais une pause.
— Fais une pause, répondit Mac en hochant la tête. C’est sûrement la meilleure option.
— Moi, je pense que tu devrais te lancer, insista Jamie en s’égayant. Du moment que tu es transparente sur tes intentions, qu’est-ce qui pourrait arriver de pire ?
— Elle pourrait briser le cœur d’une pauvre lesbienne, répondit Mac.
Dakota gloussa. Pas à l’idée de « briser le cœur d’une pauvre lesbienne », mais à cause de l’absurdité de la conversation.
— Et quelles seraient mes intentions, au juste ? s’enquit-elle.
— Des ébats agréables avec une autre personne, répondit Jamie. Ce n’est pas pour ça que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des hommes utilisent ce genre d’applis ? Pourquoi pas toi ?
— Parce que je suis une femme ? suggéra Dakota.
— Et si on jetait juste un œil ? proposa Jamie en haussant les sourcils si haut qu’ils disparurent sous sa frange.
Elle se frotta les mains.
— Pour voir ce qu’il y a en stock ?
— Tu as l’air bien trop enthousiaste, bébé, fit remarquer Mac en passant un bras autour des épaules de Jamie.
— Tu n’es pas curieuse ? s’enquit cette dernière en regardant sa femme dans les yeux.
Elles étaient peut-être en train de transformer ça en préliminaires pour ce qui serait sans doute une excellente nuit de passion plus tard. Du genre que Dakota aurait bien aimé connaître aussi – le genre de nuit qu’elle pourchassait en vain depuis trop longtemps, pour être parfaitement honnête.
